Le colorisme : pourquoi le teint clair est-il davantage favorisé ?
Les femmes noires ont toutes été témoins ou victimes de discrimination en ce qui concerne la couleur de la peau. Cette forme de racisme tire ses origines de l’époque coloniale. Elle a été mise en place pour briser l’unité chez les Africains. Qu’est-ce que le colorisme ? Comment est-il devenu une source de complexes chez les individus afros ? Éléments de réponse.
Qu’est-ce que le colorisme ?
Le colorisme est une forme de discrimination. Il se traduit par un mépris des personnes à la peau foncée. À contrario, celles qui ont la peau claire sont valorisées. Les victimes de colorisme le subissent par des individus issus d’une même communauté (famille, ethnie, pays) ou des personnes externes à leur communauté (collègues, connaissances, médias).
Je suis plus foncée que mes parents. Un joli teint choco noisette. Petite, j’avais le teint plus clair, puis j’ai noirci avec le temps. Chose qui me semble normale. Ça arrive à tout le monde de changer de carnation au fil des années.
Arrivée à la fin de l’adolescence, une personne me fit la remarque suivante : « mais tu étais claire avant, que s’est-il passé ? ». Comme si j’avais contracté une maladie incurable.
Plusieurs années plus tard (en 2021), une autre personne (issue de la même génération 👵🏾) me dit en touchant ma joue : « tu n’as pas le même teint que ta mère… il est passé où son teint ? » J’ai répondu du tac au tac « J’aime mon teint, il est très bien. » (À côté du mot « irrespectueux “il faudrait ajouter son prénom dans la liste des synonymes).
J’aurais pu expliquer ce qu’est le colorisme uniquement en te partageant une définition du Larousse. Mais je pense que mon vécu est tout aussi éloquent.
Quelles sont les origines du colorisme ?
Si tu as lu mon article sur la discrimination des cheveux crépus, tu n’es pas sans savoir que la colonisation a eu des séquelles incommensurables sur l’estime des Africains. Les colonisateurs ont mis en place un processus de destruction de leur identité en dénigrant tous leurs attributs physiques, dont leur couleur de peau.
Le discours de l’esclavagiste Willie Lynch
L’esclavagiste Willie Lynch fait partie de ceux qui ont été l’initiative de la discrimination qui existe entre les métisses, les Africains clairs et les plus foncés.
Alors qu’il gérait seul les esclaves de sa plantation, il craignait que ces deniers se regroupent pour l’affronter. De ce fait, il décide de semer la discorde pour mieux les diviser.
Il rédige une lettre dans laquelle il explique sa méthode pour affaiblir les liens qu’entretiennent les esclaves entre eux. Le but est de faire naître en eux de la jalousie, en attribuant des privilèges à certains et pas à d’autres. Il oppose :
- Les jeunes et les vieux ;
- Les hommes et les femmes ;
- Les personnes d’ethnies différentes (yoruba vs peul).
Mais, il va beaucoup plus accentuer sur les différences au niveau de la couleur de peau. Il décide de favoriser les personnes claires et de persécuter ceux qui ont une peau foncée. Ces derniers vont ressentir du ressentiment à l’encontre des individus au teint clair. Tandis que ceux qui ont des privilèges vont ressentir du mépris vis-à-vis des personnes foncées.
Durant un voyage aux États-Unis, Willie Lynch va rendre visite à son cousin. Il constate que celui-ci a du mal à s’imposer face à ses esclaves. Il lui révèle donc sa méthode.
Après l’avoir appliqué, son cousin constate qu’il parvient à mieux les gérer. Il transmet la stratégie à d’autres esclavagistes, puis au fur et à mesure, sa technique se popularise sur l’ensemble du territoire et dans les Caraïbes.
Quelles sont les conséquences du colorisme ?
Le colorisme engendre de nombreuses conséquences :
- Un complexe d’infériorité ;
- Une mauvaise perception de soi ;
- Un rejet de son identité ;
- La dépigmentation de la peau noire.
Aujourd’hui encore, beaucoup de personnes pensent que plus une personne est claire de peau, plus elle aura des facilités dans la vie. Il pourrait même favoriser l’accès à une classe sociale élevée. De plus, le teint clair est associé à la beauté et suscite l’admiration.
Dans la sphère musicale notamment, les personnes light skin sont souvent mis en lumière. Dans un documentaire, j’ai entendu dire que le père de Beyoncé affirmait que si des chanteuses comme sa fille ou Rihanna réussissaient dans leur carrière, c’est parce qu’elles avaient le teint clair.
Pendant l’adolescence, je m’identifiais beaucoup aux stars. Mis à part Kelly Rowland, Brandy ou Gabrielle Union, peu de stars dark skin sortaient du lot. Je me demandais alors si j’étais considérée comme étant une belle fille.
Dans le classement des femmes les plus belles du monde, on retrouvait toujours les mêmes profils : des femmes grandes, minces, mais avec des formes « là où il faut », claires et avec des cheveux lisses.
Ces standards créaient en moi des complexes. Je n’arrivais pas à m’apprécier. D’autant plus où j’ai grandis dans un village où il n’y a que des blancs. Je te rassure aujourd’hui, ça a bien changé et je n’attends pas de recevoir l’approbation des autres pour m’apprécier telle que je suis.
Comment se protéger face à des attaques sur sa couleur de peau ?
Avoir conscience que le colorisme est un poison
Il est néfaste et détruit l’estime personnelle des personnes qui le subissent. Le banaliser n’arrangera jamais les choses. En prendre conscience permet d’éviter de perpétuer le problème aux générations à venir.
S’aimer soi-même
Plus tu montres que tu t’aimes, moins les gens oseront proférer des remarques négatives sur ton physique. Et même s’ils le font, ce ne sera pas ton problème, parce que l’opinion que tu as à ton sujet surpasse la leur.
Mettre des limites
Les gens ne pourront jamais te manquer de respect sans ton consentement. Plus tu imposes le respect, plus ils te respecteront.
Se valoriser
Beaucoup de femmes belles ne rentrent pas forcément dans les standards de beauté. Mais ça ne les empêche pas de faire de leurs atouts des forces. Identifie tes qualités et mets-les en valeur.
Comment protéger nos enfants du colorisme ?
Tout se joue dans le cocon familial. Les mots que nous employons en tant que (futurs) parents peuvent construire l’estime d’un enfant ou la détruire. Rabaisser son enfant en se moquant de son physique détruit la perception qu’il a de lui-même.
Dieu merci, j’ai des parents bienveillants. Ils ont toujours eu des paroles valorisantes à mon égard. Lorsqu’adolescente j’ai raconté à ma mère qu’une personne avait fait une remarque sur ma couleur de peau, elle l’a gentiment recadré en lui expliquant qu’elle ne devait pas tenir ce genre de propos.
Demain, lorsque j’aurai des enfants, mon mari et moi, nous les bombarderons de paroles valorisantes. Je ferai tout pour qu’ils apprécient leur corps, leurs cheveux, leur couleur de peau, leur personnalité, tout ce qui façonne leur être et les rend singuliers.
J’éviterai de les mettre au contact de personnes qui pourraient tenir des paroles néfastes et toxiques à leur sujet. Mais en même temps, je leur donnerai les armes pour qu’il puisse se défendre en cas de nécessité.
Dire « ça va t’es pas trop noir » à un individu n’est pas un compliment. C’est du colorisme. Dire à une femme qu’elle est belle pour une noire est loin d’être flatteur. C’est du colorisme. Signaler à une personne qu’elle a noirci en employant un ton dédaigneux n’est pas une simple remarque. C’est du colorisme. Demander à quelqu’un pourquoi elle a « perdu son teint » n’est pas une question que l’on continue de poser en 2024. Veiller sur ses paroles c’est manifester de la bienveillance envers les autres.
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