La discrimination des cheveux crépus : un fléau sans fin !

T’es tu déjà sentie obligée de dénaturer tes cheveux pour rentrer dans le moule ? Bienvenue au club ! Après avoir visionné la vidéo de Fatou N’diaye du blog Blackbeautybag sur la discrimination des cheveux crépus, j’ai eu envie de parler de ce sujet. Non seulement parce que ce thème me parle, mais aussi et surtout parce que je ne veux plus voir d’articles sur  « comment dompter sa tignasse ? » (on est des lionnes ?). Ni entendre des remarques ou conseils non sollicités sur la manière dont on doit se coiffer OU PAS. Je veux que les attributs physiques de la femme noire soient enfin respectés. 

Pourquoi certains cheveux sont-ils crépus ?

Les cheveux de tout être humain sont adaptés à leur environnement naturel.

En Afrique et dans les Caraïbes, les habitants ont des cheveux crépus et volumineux. Leur densité recouvre la tête afin de protéger le cuir chevelu des rayons solaires et ainsi, éviter des insolations. Dieu fait bien les choses. 

De plus, le fait que le cheveu s’enroule sur lui-même empêche à la transpiration de couler le long du dos.

Avoir les cheveux crépus n’est pas une malédiction. Même si : 

• Tes « amis » t’ont déjà demandé si tu avais coincé tes doigts dans une prise électrique ;
• Tu pleurais dès que ta mère te disait « viens avec le peigne » ;
• Les coiffeuses de Château rouge t’ont fait croire que le défrisage donne un meilleur rendu lorsque l’on fait des tresses 😒.

Qu’est-ce que la discrimination capillaire ?

La discrimination capillaire ou le hairism est une idéologie qui consiste à dévaloriser ou invisibiliser les personnes qui ont des cheveux texturés. Les femmes noires sont les plus touchées par cette forme de discrimination, surtout lorsqu’elles ont les cheveux crépus.

Aux yeux de la société occidentale, une femme belle possède des cheveux lisses. Les locks, high puff, et les braids ne sont pas considérées comme des coiffures acceptables parce qu’elles ne collent pas aux standards de beauté occidentaux. Le témoignage de la blogueuse Fatou Ndiaye le confirme bien.

Malheureusement, même au sein de notre propre communauté (oui, oui), nous pouvons être confrontées à cette forme de discrimination. 

Je n’ose pas compter le nombre de fois où je suis partie chez des coiffeurs AFROS qui n’arrêtaient pas de me dire : 

• Tu as beaucoup de cheveux (l’air désespéré) ;
• Tes cheveux sont emmêlés (alors que je les démêle) ;
• Ils sont trop crépus ! 

Puis, on en parle des coiffeuses qui donnent des conseils sur les soins des cheveux alors qu’elles ont les tempes dégarnies ?! Non c’est mieux qu’on n’en parle pas.

Bon, je me calme 🤣, continuons. 

Depuis quand existe la discrimination des cheveux crépus ?

Avant l’esclavage

Avant l’esclavage Le cheveu crépu était mis en valeur au travers de coupes sophistiquées. Les habitants réalisaient des locks, des tresses, des nattes collées et même des perruques avec des tresses. 

Au-delà de l’aspect esthétique, les coiffures permettent d’exprimer son statut marital et son appartenance à : 

• Un peuple ; 
• Un rang social ;
• Une tranche d’âge ;
• Une profession.

À cette époque, les Africains avaient une grande estime d’eux-mêmes. 

Pendant l’esclavage

C’est durant cette période que la réputation du cheveu crépu change. Les colonisateurs détruisent l’estime personnelle des Africains afin de les rendre malléables et leur faire croire qu’ils ne peuvent plus être autonomes.

Ils ont commencé par détruire tous les accomplissements, découvertes, et récits historiques, afin de leur faire croire qu’ils n’ont rien accompli d’extraordinaire. 

(Nos ancêtres devaient vraiment peser dans le game 👀 !)

Puis, ce processus de destruction s’est poursuivi par un dénigrement des caractéristiques physiques de l’homme africain : ses lèvres, sa couleur de peau, ses fesses, ses cheveux crépus, etc. 

Avant d’embarquer sur les bateaux négriers et parfois dès leur arrivée dans les Caraïbes, les colonisateurs rasaient les cheveux crépus. Leur but, au travers de cet acte qui semble anodin, était d’anéantir leur identité. 

De cette manière, les peuples ne pouvaient pas se reconnaître entre eux. Il était donc impossible d’identifier le prince ou le chef de guerre qui aurait pu utiliser son autorité pour rassembler ses compatriotes et organiser une révolte. 

Au fil des siècles, les colonisateurs font croire aux noirs et au monde entier que le cheveu crépu est sale et moche. D’ailleurs, en 1785, la loi Tignon impose aux femmes afros de porter des foulards sur la tête pour cacher leurs cheveux.

Après l’esclavage

Au XIXe siècle, les Européens utilisent des caricatures pour ridiculiser les Africains. Ces dessins exagèrent les traits de leur visage et les présentent avec des cheveux courts et clairsemés. Ces caricatures sont d’ailleurs reprises dans les pièces de théâtre, les films et les publicités.

À force, les Africains ont fini par mépriser leurs caractéristiques physiques. Pour cacher leurs cheveux qui étaient considérés comme laids par la société, ils portent des foulards et des perruques. À cette même période, ils usent de stratagèmes pour dénaturer leurs cheveux : défrisant, peigne chaud, fer à repasser, etc.

Cette tendance s’est popularisée à la TV. Les célébrités telles que Aretha Franklin, Diana Ross et Tina Turner s’affichent avec des cheveux lisses. Mis à part Cicely Tyson et Pam Grier, peu de stars se montrent avec un afro. 

Et aujourd’hui ?

On est bien loin de l’époque de la propagande anti cheveux crépus. Grâce au mouvement Nappy lancé dans les années 2000 aux États-Unis, les femmes noires apprennent à se réconcilier avec leur afro. 

Sauf que… la discrimination capillaire existe toujours. Lorsqu’une femme afro se présente aux élections Miss France, il suffit de voir les commentaires sur Twitter. 

Les cheveux afros dérangent

Même dans le milieu professionnel, il y a du boulot. Selon Olivier Serva, député français, 2/3 des femmes noires changent de coupe de cheveux pour être plus employable.

En 2014, je m’étais inscrite dans une agence de mannequins et d’hôtesses. Je voulais arrondir mes fins de mois et tenter une nouvelle expérience.

J’étais dans une phase où je commençais à m’accepter. Le mannequinat était pour moi une manière de sortir de ma zone de confort et de totalement éliminer ma peur du regard des autres.

Mais mon expérience n’a pas fait long feu. Alors que ma candidature fut acceptée, la première mission s’est présentée rapidement à moi. La fondatrice de l’agence (appelons là Mme F., a choisi une dizaine de filles pour passer un casting.

Hors de question d’avoir des cheveux crépus pour être mannequin

Un rappeur français cherchait des filles noires et métisses pour son clip. Le tournage a eu lieu à New York, le billet et l’hébergement étaient à la charge de l’agence. Je ne connaissais pas le rappeur, mais je me suis dit que ça allait être une bonne opportunité si je suis choisie pour tourner dans le clip.

Cependant, le critère imposé par Mme fut de venir au casting avec les cheveux lisses. Elle a insisté pour que toutes les filles se lissent les cheveux ou viennent avec un tissage lisse.

Cela m’a contrarié. Il est hors de question que je vienne avec les cheveux lisses. De plus, le fait que quelqu’un m’impose une coupe m’insupporte. J’avais l’impression d’être une poupée malléable entre ses mains. Après c’est ça être mannequin. Voilà pourquoi ma « carrière » n’a duré que quelques jours.

On n’aime pas ma touf mais est-ce que c’est mon problème ?

Évidemment, le jour J, je me suis pointée avec un big afro (une lace wig, mais je tenais à avoir quelque chose qui se rapprochait de ma texture naturelle).

C’était un moyen pour moi de m’affirmer et de dire, il est hors de question que quelqu’un me dise ce que je dois faire. Si je veux me lisser les cheveux, je le fais. Si je veux sortir l’Afro, je le fais aussi !

Mme F. a vu mon afro et ne m’a rien dit, mais son langage corporel était très éloquent. Elle « m’arrangeait » les cheveux sans cesse.

Bref, je n’ai pas été prise, mais je n’ai eu aucun regret. Il était hors de question que je sois dans un métier qui me pousse à me travestir.

Après le casting, Mme F m’a convoqué. Pour faire court , elle m’expliquait que ma coupe posait problème et que c’était dommage parce que j’avais du potentiel.

Avec le recul je me suis dit que le problème ce n’était pas Mme F. C’était sans doute une requête du rappeur. Mais je ne veux pas incriminer ce jeune homme.

Le vrai souci c’est l’image que les gens se font de la beauté. Une belle femme, aux yeux de la société, a les cheveux lisses.

Pour finir sur une note positive…

Dans l’industrie de la beauté, les besoins des femmes aux cheveux crépus commencent à être considérés. De plus en plus de salons de coiffure dédiés aux cheveux texturés existent. Mais comparé à la demande, il existent peu de salons qualitatifs.

En France, 45% de la population a des cheveux texturés. D’ailleurs, dans les salons de coiffure, les coiffeurs auront tendance à diversifier les offres et proposer d’autres prestations beauté (onglerie par exemple), plutôt que de proposer le coiffage des cheveux texturés.

Les formations pour coiffer les cheveux crépus sont rares en France. Ce n’est qu’hier que j’ai appris que le Certificat de Qualification Professionnelle sur la Coiffure des cheveux bouclés, frisés et crépus est sorti ! On a dû attendre 2023 pour qu’il en existe un. 

Discrimination cheveux crépus : à quand la fin ?

Vu comment les choses avancent, j’ose croire que les choses sont en train d’évoluer tout doucement. 

Maintenant, je pense que c’est à nous d’assumer notre nature et de prendre soin de nos cheveux crépus. 

Attention : je ne suis pas en train de dire que les tissages, perruques et lissages sont mauvais. J’en fais moi-même. Mais je pense que si nous valorisons notre beauté, nos sœurs, nos nièces et nos (futures) filles sauront en faire de même.

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Sources :

• Une proposition de loi contre les discriminations capillaires – La Story – C à Vous – 19/04/2023 👉🏾 https://www.youtube.com/watch?v=5eYyIRhnzHg ;
• La réputation du cheveu crépu – Grandeur noire 👉🏾 https://www.youtube.com/watch?v=RsPozfgQm1k
• Les Ateliers crépus 👉🏾 Pourquoi avons-nous les cheveux crépus ?